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Vive les beaux jours

16 juillet 2008

Camp Mailly | 23 juin 1940

Nous sommes restés 24 heures sans rien manger. Les forces baissent de plus en plus. Mes camarades ont pu trouver des os autour des cuisines et nous avons pu faire un peu de bouillon, très apprécié du Capitaine du Plessis et du Lieutenant Le Gallo qui, eux aussi, sont au même régime que nous. D'ailleurs, dans l'après-midi, ils sont revenus de nouveau. A midi, nous avons assez bien mangé car 5.000 prisonniers sont partis au dernier moment de la soupe. Nous savons toujours pas ce qui se passe en France. Moral toujours très bas.

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16 juillet 2008

Camp Mailly | 22 juin 1940

Matin encore, rien à manger. Midi, un peu de riz. Nous pouvons employer le mot "peu" car vraiment, deux cuillères à soupe, voilà le repas du midi. Le moral est de plus en plus bas. Quand est-ce que nous serons de retour dans nos foyers pour revoir ceux que l'on aime tant et qui de leur côté doivent être inquiets sur notre sort ? Il nous est toujours interdit d'écrire. Dans la journée, nous avons réussi à faire un peu de bouillon avec un os trouvé autour d'une cuisine. Cela nous soutient un peu. Il faut se débrouiller pour ne pas mourir de faim.

carte1942
L'armistice du 22 juin 1940 partage la France en zones, séparées par une ligne de démarcation. Celle-ci est soigneusement gardée par l'armée allemande et des laissez-passez sont obligatoires pour passer d'une zone à l'autre.

16 juillet 2008

Camp Mailly | 21 juin 1940

Nous touchons toujours rien à manger. A midi, des macaronis mais il faut voir les rations. Juste de quoi nous empêcher de mourir de faim. Cela est bien triste. La faiblesse se fait sentir, c'est à peine si nous pouvons marcher et de ce fait, le moral est très très bas. Cette fois, nous nous rendons voleurs pour avoir des pommes de terre. Il nous faut à manger. Notre estomac crie famine. Le soir, nous percevons une boule de pain pour 6, cela ne fait pas gros, surtout en buvant de l'eau. Nous sommes bien obligés de rien dire, mais nous en pensons long.

16 juillet 2008

Camp Mailly | 20 juin 1940

Matin, rien à manger. Midi, encore des nouilles, sans pain cette fois. Nous avons faim. Il faut se mettre à la recherche de nourriture. Sur une des faces du camp, un ruisseau, l'Huitrel. C'est dans cette direction que nous dirigeons nos pas. La providence nous sert. Nous apercevons un troupeau de 5 oies. En un tour de main, nous en mettons une dans un sac. Cela nous garnira un peu l'estomac. Nous allumons un feu et nous voilà en cuisine, sans graisse, sans sel. Mais cela ne fait rien, nous trouvons cela bon quand même. Le soir, nous touchons encore du pain sec avec de l'eau. Vraiment, nous sommes prisonniers. Malgré nos réclamations, il nous est interdit d'écrire.

16 juillet 2008

Camp Mailly | 19 juin 1940

le_partage_du_pain_copieMatinée sans manger. A midi, un peu de nouilles, la ration d'un gosse de 4 ans. Nous avons faim mais nous n'avons pas le droit de nous plaindre. Nous nous mettons à la recherche de quelques victuailles. Nous trouvons des pommes de terre, une dizaine, que nous faisons cuire à l'eau, sans sel. Cela nous nourrit un peu. Je dis "nous" car j'ai toujours avec moi mes 4 rescapés qui depuis ne me quitte plus d'une semelle. Et moi, de mon côté, je suis content car cela me tient compagnie.

Il y a des hommes de tous les régiments. Nous sommes dans une chambre à 35 où d'habitude on en mettait 15. Nous sommes sur la paille, entassés comme un troupeau de mouton, avec un moral bien bas. Le soir, nous touchons un petit morceau de pain allemand avec de l'eau et voilà la journée terminée. Nous marchons à l'heure allemande, c'est à dire que nous sommes en avance de 2 heures sur le soleil. Je retrouve dans le camp le Capitaine du Plessis ainsi que le Lieutenant Le Gallo et de nombreux soldats de la Compagnie.

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16 juillet 2008

Plancy | 18 juin 1940

On parle de départ. Nous avons passé une triste nuit, un terrible orage nous ayant surpris vers les 11 heures. Nous sommes mouillés jusqu'aux os. Nous touchons à manger, toujours sans pain. Enfin la journée se passe, nous partons que demain matin. J'oublie de dire que nos repas sont arrosés avec de l'eau : une vraie cure pour le foie.

Nous quittons le pays pour le camp de Mailly qui se trouve à 33 km. Nous y arrivons bien fatigués et rien à manger. Nous y trouvons de nombreux prisonniers. La journée se passe sans manger. Nous dormons tellement que nous (?), les estomacs sont creux. Impossible d'écrire. Que de mauvais sang pour ceux qui sont loin de nous.
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Le 18 juin 1940, à la BBC, le général de Gaulle affirme aux Français que, s'ils ont perdu une bataille, ils n'ont pas perdu la guerre, et adjure tous ceux qui refusent la défaite de rejoindre la France libre à Londres.

16 juillet 2008

Plancy | 17 juin 1940

Nous passons encore la journée. Les prisonniers continuent à arriver. Nous voilà déjà 1.500 mais aujourd'hui nous touchons à manger. Bien entendu, le pain fait toujours défaut. Nous améliorons notre repas avec deux petits lapins qui rôdaient dans un jardin.

Dans l'ensemble, le moral est assez bon mais il nous est impossible d'écrire. Les Allemands nous laissent entendre que nous arriverons chez nous avant nos cartes. L'on n'y croit pas. Ils nous racontent que Reynaud et Daladier se sont suicidés. Est-ce vrai, oui ou non, puisque nous n'avons aucune nouvelle de France ?

16 juillet 2008

Champfleury | 16 juin 1940

Après avoir passé une nuit dans un pré sans couverture, mais ayant réussi à trouvé une vieille capote, nous nous mettons en route pour une nouvelle direction que personne ne connaît. Mais le plus terrible, nous n'avons rien à manger. Nous arrivons enfin à Plancy, point terminus. Nous retrouvons d'autres prisonniers. Nous campons sur la place du village, contre les murs de l'église, la discipline n'étant pas trop sévère. L'on réussit à trouver quelques victuailles dans le village. Bien entendu, le pain fait défaut. Le village par lui-même n'est pas trop abîmé mais nous sommes complètement épuisés. Sur la place, on dirait un troupeau de bêtes. Nous dormons mais de nombreux cauchemars nous réveillent. Nous pensons toujours au danger que nous venons de courir et à ceux qui, hélas, sont loin de nous.

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PLANCY - rue de l'Eglise

16 juillet 2008

Sur la route, les champs, les bois | 15 juin 1940

Nous continuons notre marche dans la direction indiquée, mais vers 3 heures du matin à 1km du village, nous décidons de nous arrêter dans un bois pour passer la journée de façon à échapper à l'aviation. Nous avons faim mais hélas rien à manger. Au petit jour, alors que nous venions de dormir, grande surprise, nous entendons le crépitement des mitrailleuses allemandes dans le village. Nous sommes dans la mauvaise direction. Nous quittons notre emplacement pour revenir sur nos pas. Nous sentons plus notre faim ni la fatigue. Il faut échapper à l'ennemi. Nous causons avec des réfugiés. Ils nous donnent comme direction Méry-sur-Seine.

Bon, marchons sur Méry-sur-Seine à travers champs mais hélas, l'ennemi nous a vu. Les mitrailleuses nous tirent dessus. Par bonheur, personne n'est atteint. Vers 10 heures, nous arrivons à un petit village dont je ne me rappelle plus le nom. Nous rentrons dans la première ferme pour faire boire nos mulets et cela devait nous sauver la vie car, du convoi de réfugiés qui était devant nous, tous ont été tués. Quelle boucherie. Il fallait traverser un pont sur l'Aube. L'artillerie allemande avait braqué des pièces dessus. Au passage de ces pauvres gens, ils ont tiré. Mais pour nous, comment faire ? Avec nos voiturettes, j'ai compris : nous sommes pris. J'ose pas le dire à mes hommes car ils ont peur d'être prisonniers et d'être fusillés. Nous avons les Allemands de tous les côtés. Quoi faire ? Nous rendons la liberté à nos mulets, jetons nos mitrailleuses à l'eau et décidons de traverser la rivière mais hélas, à 15 mètres de large et profond, comment faire ? Personne ne sait nager. On hésite. L'arrivée d'une auto-mitrailleuse sème la panique : l'on se jette à l'eau. Nous traversons quand même mais trempés comme une soupe, nous abandonnons nos capotes. Nous restons avec notre pantalon, une chemise, un caleçon, nos chaussures : voilà notre tenue.

L'on se croit sauvé mais hélas les Allemands sont encore devant nous. Nous décidons de revenir sur nos pas mais cette fois, en traversant par surprise le pont où l'artillerie allemande tirait voilà 1 heure. Nous marchons pendant 1 km et voici le pont. On peut passer au pas de course. Nous voilà dans un champ de foin. Sauvés non, car au même instant arrive une dizaine de cavaliers allemands.

Cette fois, nous sommes prisonniers. Il est 11 heures. Nous sommes fouillés. Il ne nous reste plus rien. Nous sommes conduits à Plancy-sur-Aube. Nous avons encore pas mangé le soir. On marche en direction de Champfleury où nous couchons après avoir reçu un morceau de pain sec allemand.

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EN MARCHE VERS LA CAPTIVITÉ - Près de 2 millions de prisonniers : la bataille de France (ici dans la région de Sedan) débouche sur un désastre pour nos armes. Débordés, démoralisés par les rumeurs de trahison, persuadés qu’ils seront bientôt de retour chez eux, beaucoup d’hommes ont levé les bras. Faute d’effectifs disponibles, le vainqueur a bien du mal à « gérer » cette masse de captifs qui, la mine basse, traînent leurs bandes molletières le long des routes. Mais d’autres soldats français vont combattre jusqu’au bout en héros.

16 juillet 2008

Sur route | 14 juin 1940

Journée terrible dont je me souviendrais toujours. Des le lever du jour, survol de l'avion de reconnaissance allemand. Sur la route, nombreux convois artilleurs, fantassins, génie, etc. Jolie cible en effet car après un quart d'heure d'attente, nous voyons au-dessus de nos têtes surgir 19 bombardiers allemands. Tout le monde se sauve dans les bois les plus proches. Heureusement, car si les voitures, canons sont démolis, chevaux tués, on compte que quelques tués. Et dire que cette journée va se passer comme cela, sans manger, fatigués, nous marchons pour sauver notre vie.

Je reste à la fin de la journée avec (?) Dufour (séminariste), soldats Novello, Voranger, B (?) eux devaient jamais me quitter. Pour le restant de mes hommes, ils dorment d'un sommeil profond pour le restant de leur vie. Ayant perdu tout contact avec mon bataillon, je me retrouve seul dans la nature avec mes compagnons de misère. Vers les 11 heures du soir, je trouve un officier. Je lui demande dans quelles directions je devais marcher. Il me répond en direction de Arcy-sur-Aube.

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14 juin 1940 : arrivée des troupes allemandes qui défilent sur les Champs-Elysées

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Vive les beaux jours
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